Confidences pour confidences, mon escapade à Porto n’est pas tout à fait le fruit du hasard, mais plutôt une curiosité due à une tradition familiale. Ma grand-mère, adepte inconditionnelle du Porto, ne se déplace jamais sans son vin favori. Sa posologie quotidienne : un demi verre le midi, un verre le soir, et ce depuis 73 ans. A 93 ans, elle est toujours vaillante, selon elle, grâce au Porto, véritable remède anti-âge. La famille entière a fini par y croire. Alors pour lui rendre hommage, je suis allée en « pèlerinage » dans la ville éponyme, goûter à la source ce nectar aux vertus « médicinales ». A ce détail anecdotique, s’ajoutent ma passion pour les villes ibériques au patrimoine historique riche et mon goût prononcé pour les hôtels spectaculaires, au cachet saisissant. Le Palacio das Cardosas est certainement l’un des plus fastueux de Porto.
Au cœur de la vieille ville - classée au patrimoine mondial de l’UNESCO - la façade de l’édifice s’impose sur la Praça da Liberdade. Dominant l’impressionnante Avenida dos Aliados, un joyau de la ville, son emplacement est donc THE place to be à Porto. Mais ce qui participe à sa particularité et son spectaculaire ce sont sans aucun doute son architecture et son histoire. Ancien monastère du XVème siècle, devenu palais d'une riche famille portugaise au XIXème siècle, le Palacio das Cardosas a été superbement reconverti en hôtel de luxe, sous la houlette de l'architecte russe Alex Kravetz, un des grands noms internationaux de la décoration d'hôtels.
L’entrée donne d’emblée le ton: un lobby fastueux, avec sols en marbre, colonnes imposantes et magnifiques lustres et appliques à pampilles. Le personnel, en livrée, courtois et efficace, confirme ce petit supplément d’âme, et cette association parfaite et raffinée de classicisme et de contemporain. Les chambres aux hauts plafonds baignent dans une atmosphère surannée et chic. Parquet marqueté, meubles de bois vernis, lourds rideaux ourlés, lit à la courtepointe soyeuse, salle de bain en marbre avec baignoire et douche à l’italienne séparée… nous transportent dans une autre époque, où l’ambiance cosy régnait en maître.
Côté contemporain, il y a le wifi et la TV LCD avec films à la demande, le Spa, la salle fitness équipée des dernières technologies cardio-vasculaires, le restaurant Astoria faisant la part belle à la cuisine typique portugaise, revue en touches contemporaines…
Dans tout l’édifice, ce mariage de classique et de contemporain est une pure réussite architecturale. Après une balade – à pied, bien sûr – dans les ruelles escarpées et grimpantes du centre historique où nous trouvons, quel bonheur de déguster un thé dans le bar-salon de type anglais, avant de se laisser tenter par un cocktail ou une dégustation incontournable des différents vins de Porto.
Qu’il est difficile de s’extraire de ce Palace cosy. Pourtant, dehors, à quelques pas, c’est un spectacle tout aussi séculaire qui nous attend. Porto et son quartier de la Ribeira n’ont pas –encore- été envahis par la jeunesse et les touristes. Les « anciens » tiennent le haut du pavé, refaisant inlassablement le monde aux terrasses des cafés, sur les bancs publics, ou dans l’entrebâillement de leurs portes cochères. Se souvenant avec nostalgie – la fameuse saudade – de l’époque fastueuse de la ville avec ses palais et ses solars- vastes demeures seigneuriales – qui se fanent peu à peu. Un tiers de la vieille ville serait d’ailleurs inhabitée. Porto a ce visage de cité pleine de ruines splendides. Tout s’effondre, s’effrite… semblant ne pas troubler ses habitants, et la dotant, pour nous, d’un charme incomparable.
Mais ceci n’est qu’une facette de Porto, qui a aussi versé dans le XXIe siècle. A quelques pas de l’hôtel, se trouve la rue Galeria de Paris, regorgeant de bars à l’air libre. On monte à l’étage, on commande son Portonic – la version locale du gin tonic - et on le déguste dans la rue, à l’ancienne. Là, ne viennent pas les aïeux, un univers moderne qui les dépasse certainement. Tout comme l’ancien dépôt de tramways, plus au nord, rasé en deux coups de pelleteuse, pour laisser place à la Casa de Música, ce bloc de béton futuriste, signé Rem Koolhaas, qui attire une foule hétéroclite, des jeunes adeptes de la musique électro, aux couples sans âge les jours d’opéra.
Porto est un kaléidoscope représentatif du Portugal, une cité ancestrale, modifiant peu à peu son paysage urbain, sans faire fi de ses traditions. Au nombre desquelles on ne manquera une virée sur la rive gauche du Douro – par la navette fluviale au pied du pont conçu par Gustave Eiffel – pour déguster morues et sardines accompagnées d’un Porto provenant de l’une des caves mythiques de Vila Nova da Gaia… Avant de rentrer se calfeutrer dans notre sublime palace.