Nerfs qui démangent, inflammation de l’humeur et vision embrumée… Il n’y a pas trente-six façons de soigner une « citadinite aiguë ». Changement d’air, décrète le médecin, qui prend cette fois la forme d’une petite voix d’habitude fort discrète, claquemurée dans son cabinet des rêves-remis-aux-calendes. Changement de climat, il n’y a pas de meilleur remède, et guère de plus naturel. C’est ainsi que santé et moral reviennent au galop.
L’ordonnance est précise : elle mène à ce petit bastion ensoleillé, perché sur les hauteurs de Villeneuve-lès-Avignon. Cette commune tranquille s’est dressée, au Moyen Âge, comme une citadelle contre ses rivaux avignonnais. Le fort Saint-André, aux amples rondeurs étalées sur la colline depuis le XIVe siècle, adresse désormais un message pacifiste à ses visiteurs : ici, nul ne viendra troubler votre repos. Derrière son bureau, la petite voix pousse un grognement approbateur.
Au temps des papes d’Avignon, c’était l’une des demeures que l’on réservait aux cardinaux. Mais il faut croire que la foi la plus solide ne résiste pas toujours à certains attraits : au XVIIIe siècle, le midi de la France fut gagné par une tout autre forme de révélation. Quelques gentilshommes, adeptes de bon vin et de chère abondante, créèrent l’« Ordre de la boisson de l’étroite observance ». Le culte s’installa aussi dans ce manoir, qui devint un domaine agricole et une magnanerie : douceur du vin, de l’huile d’olive et de la soie…
Deux siècles et demi plus tard, cette noble demeure au passé si sympathique est devenue un hôtel de standing au charme intimiste. Aux chaudes couleurs des carreaux de céramique répondent la douce luminosité des murs de pierre et des badigeons ensoleillés. Dans la chambre Luxe, beaucoup de bois, une décoration maîtrisée et originale, et la danse apaisante des ombres du jardin. Petit détour par la piscine à l’eau si pure, délicieusement baignée par les rayons du soleil. Si les fantômes de l’« Ordre » hantent encore cette maison, c’est bien pour veiller au parfait bien-être de leurs visiteurs.