De Truman Capote à Jack Kerouac en passant par Antoine de Saint-Exupéry, Tennessee Williams, Paul Morand, Roland Barthes, Jean Genet, Marguerite Yourcenar, Paul Bowles, Joseph Kessel… ce sont là de grandes figures du monde de la littérature, qui ont foulé le sol de Tanger. Quant à Henri Matisse, en proie à une crise artistique et existentialiste, c’est ici qu’il va éprouver pour la première fois ce qu’il appelle «l’indicible douceur du « quand ça vient tout seul». Incontestablement la ville a toujours suscité intérêt et mystère de la part des grands artistes, « comme le voyage dans les airs, certaines villes peuvent donner de beaux vertiges » disait Saint-Exupéry, à propos de Tanger.
Située à la pointe nord du Maroc, face au Détroit de Gibraltar, rencontre entre le Nord et le Sud, la Méditerranée et l’Atlantique, l’Europe et l’Afrique, L’Occident et L’Orient… Tanger a été comparée par Pierre Loti à Istanbul, le Bosphore en moins, mais la mer, souveraine, « comme une invitation au voyage ». A un voyage initiatique pour les « clochards célestes » de la Beat Generation qui fuyait l’American Way of life, un voyage artistique pour Matisse, Delacroix ou encore Tàpies qui y ont trouvé l’inspiration et une lumière incomparable, un voyage sur les traces de toutes ces célébrités, pour nous, qui nous nous sommes laissés envoutés par la cosmopolite et mystérieuse Tanger.
Armés de guides et de littérature, nous sommes descendus à la Maison Tanger, une maison d’hôtes de charme, à quelques pas de la place du Grand Socco. Une vaste demeure du siècle dernier entièrement rénovée, mariant avec justesse et simplicité une décoration élégante et raffinée, entre tradition et modernité. En son centre, on aime se reposer en sirotant un jus de fruit frais dans son somptueux jardin planté de palmiers, orangers, bananiers… Pour les fraiches soirées d’hiver, nous avons particulièrement apprécié le salon, dans un style contemporain, où lovés dans de confortables canapés, réchauffés par les flammes du feu de cheminée, nous avons pu dévorer nos romans.
Situé dans le centre ville, nous avons marché sur les traces de Kerouac, Kessel, Saint Exupéry, Lotti… Un passage par le Grand Socco, la place du marché de Tanger, où le héros du roman éponyme venait conter de sa voix enchanteresse des histoires, belles et singulières. Une halte au Café Fuentes, le repère des intellectuels de l’époque, pour un thé à la menthe. Puis à quelques pas de là, nous nous rendons à la librairie Des Colonnes, où Genet, Bowles et Kessel y avaient leurs habitudes. Le propriétaire d’aujourd’hui, Simon-Pierre Hamelin, aime à vous raconter que l’une des histoires d’amour les plus folles y a pris corps : « Marguerite Yourcenar passait régulièrement saluer le propriétaire, un archéologue belge fou amoureux d’elle qui lui fit monter en bague une pièce antique à l’effigie d’Hadrien ». Pour des férus de littérature, et une fan inconditionnelle que je suis des Mémoires d’Hadrien, nous étions comblés. Il ne nous restait plus qu’à aller admirer le jour déclinant sur le Détroit de Gibraltar, depuis la terrasse du café Hafa, resté dans son jus, où, de Paul Bowles à Mohamed Choukri, de Jean Genet aux Beatles, des Rolling Stones à Jimi Hendrix, Sean Connery et bien d’autres, tous les amoureux de l’âme tangéroise sont venus ici bavarder, écrire, peindre, boire le thé à la menthe ou fumer la chicha. Nous faisions dorénavant parti du gratin international.
De retour à la Maison Tanger, qui porte bien son nom puisqu’ici on se sent chez soi, véritables hôtes des propriétaires, nous avons déguster un succulent couscous qui fait la part belle aux produits frais, avant de rejoindre notre chambre, qui comme chacune de la maison a fait l’objet d’une décoration unique. Chaque meuble, objet, tableau a une histoire et a été chiné un peu partout dans le monde. Une diversité qui reflète l’image multiculturelle de Tanger. Spacieuses, baignées de lumière, elles offrent toutes une vue splendide sur le patio, les montagnes ou le Détroit de Gibraltar. Bercée par le chant du Muezzin et la vue de la mer, je m’endormais en rêvant de Tanger, la mythique.
Mais pourquoi Tanger, comme se demandait Mick Jagger de retour à Londres. Sans trouver de réponse, il s’est juste exclamé « tant mieux, il ne faut pas tout savoir ». Tanger ne se raconte pas, elle se vit, qu’attendez-vous pour être les prochains Happy few à succomber au charme de Tanger ?!